Joni Brennan, présidente du Conseil Canadien de l’Authentification et de l’Identification Numérique (CCIAN) explique le rôle du CCIAN dans la conception du rapport “Principes d’une politique universelle sur l’identité numérique pour en optimiser les avantages pour les gens : une perspective européenne et canadienne commune”.
Ce projet conjoint entre la HTF et le CCIAN a donné lieu à des recommandations ayant pour objectif de favoriser l'acceptation sociale des stratégies d'identité numérique en cours au Canada et au sein de l’Union européenne. Le rapport revient sur les caractéristiques d'une identité numérique qui optimise les avantages pour les citoyens, comme par exemple le principe de minimisation des données qui permet l’anonymisation de l'utilisateur s’il le désire. Il aborde également la question de la privatisation des processus de certification de l'identité et les éléments de gouvernance susceptibles d’encourager la confiance du public.
Au Canada, les pouvoirs régaliens sont répartis entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. C’est également un pays très cosmopolite, où de nombreuses cultures sont représentées au sein du territoire. Ce sont, selon moi, deux facteurs qui expliquent le rejet de l’uniformité du système actuel. Les Canadiens préféreraient posséder un système modulable en fonction des besoins et des utilisateurs et ainsi contrôler leurs informations personnelles dévoilées selon le type de transaction.
Le lancement de projets autour d’une identité numérique est particulièrement intéressant au Canada, car les cas d’usage sont très variés, et applicables dans de nombreux contextes différents. Par exemple, aujourd’hui, l’ouverture d’un compte bancaire est régie par le gouvernement fédéral, tandis que la vérification d’identité nécessaire à cette action relève de l’autorité d’une province. Pour mener à bien ces missions, une collaboration étroite entre trois acteurs - le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, et le secteur privé est requise. Le point clé dans cet exemple est de veiller à ce que le citoyen soit au centre de cet écosystème collaboratif. Placer l’utilisateur - ses besoins, avantages, et préoccupations - au centre nécessite l’engagement des gouvernements et du secteur privé à poursuivre cet engagement et d’y associer des ressources.
Les cas d’usage les plus discutés au Canada sont ceux liés au secteur financier. Cela est notamment dû à la collaboration et au principe d’interopérabilité déjà bien établis dans cet écosystème.
Plusieurs raisons expliquent cela:
Les gouvernements canadiens sont conscients des risques potentiels de l'inaction du secteur public en matière d'identité numérique. Au vu des forts enjeux d’inclusion financière et de croissance socio-économique, il semble logique que les cas d’usage liés au secteur financier soient au centre des débats.
Mais de nombreux autres cas d’usage sont abordés dans le rapport, notamment :
D’un point de vue technique, de nombreuses solutions permettent la réalisation de ce projet, et de nouvelles ne cessent d’apparaître. Ces technologies existantes et émergentes doivent être soutenues par des principes universels de conception de politiques qui servent cet objectif précis. Les avantages d’une politique bien conçue et résistante dans le temps sont nombreux. C'est l’une des raisons pour lesquelles le CCIAN s’est pleinement engagé aux côtés de la HTF pour recommander aux décideurs les principes clés pour que les politiques relatives aux systèmes d’identification numérique soient au service des utilisateurs. Sensibiliser les décideurs publics, privés, et le grand public aux défis et opportunités relatives à l’identité numérique est également primordial, car il s’agit d’un enjeu qui nous concerne tous.
L'un des défis liés à la mise en œuvre de solutions et de services d'identité numérique centrés sur l'utilisateur pourrait être la nécessité, sur certains aspects, de moderniser les politiques et les cadres juridiques applicables, notamment en ce qui concerne la protection de la vie privée. L’utilisateur doit pouvoir contrôler les données qu'il partage lors d’une authentification, mais également avoir connaissance des données que chaque entité, publique comme privée, possède à son sujet. Enfin, la responsabilisation des autorités en charge doit être assurée par la transparence de la gouvernance d’un tel système.
Le Canada comporte de nombreux points communs avec l’Union européenne. Il peut être perçu comme une version réduite de l’Union européenne, à travers son système fédéral qui nécessite la coopération entre les différents gouvernants locaux. Le pays partage ainsi des défis et opportunités communs avec l’Union européenne, ainsi qu’avec d’autres juridictions dans le monde en matière d’identité numérique. Toutefois, grâce à son écosystème de taille plus réduite que celui de l’Union européenne, le Canada a potentiellement la possibilité d’offrir une plus grande agilité et flexibilité lors des phases d’essais des projets de lancement autour de l’identité numérique.
Il est urgent et nécessaire d’agir maintenant, et les décideurs canadiens l’ont bien compris. Afin de contribuer à cet objectif, les décideurs investissent de manière significative dans la modernisation et le renforcement de la protection de la vie privée des systèmes d'identité numérique. Dans cette dynamique, le CCIAN et ses nombreux membres travaillent ensemble pour s’assurer que la technologie et la politique relatives à ces enjeux soient conçues en plaçant les utilisateurs au centre.
Pour aller plus loin sur le sujet :