KPMG Innovation Lab et la Human Technology Foundation (HTF) ont organisé une table ronde intitulée “Le Métavers au service de l’humain : une utopie” ? le 9 novembre 2022. Cette table ronde, modérée par Albane Liger-Belair, Directrice Associée Innovation chez KPMG France, avait vocation à regrouper l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème du Métavers : Maxime Blondeau - Enseignant à Sciences Po et aux Mines Paris, Morgan Bouchet - Directeur du programme XR et Métavers chez Orange, Eric Bothorel - Député des Côtes-d'Armor, Jean Cattan - Secrétaire général au Conseil National du Numérique, Bernard Ourghanlian - Directeur Technique et Sécurité de Microsoft France, et Ménehould Michaud de Brisis - Responsable des études à la HTF. En partant des riches questionnements soulevés lors de cet évènement, KPMG Innovation Lab et la Human Technology Foundation ont souhaité creuser davantage ce sujet.
“Le Métavers peut-il passer l’hiver?”. Ce titre provocateur d’un article du journal Les Echos paru à l’automne annonçait clairement une certaine remise en cause du mythe du Métavers. Si certains Métavers déçoivent, les projets de virtualisation de mondes se poursuivent et restent plus que jamais d’actualité. Quelles sont les clés pour que le Métavers reste au service d’une société qui demeure humaine ?
“Quel serait le terme ou la définition appropriée pour suggérer la pluralité des horizons des technologies de l’immersion ? “ Jean Cattan, Secrétaire Général, Conseil National du Numérique
Il existe une confusion face au Métavers. Cela peut s’expliquer par le fait que Meta, au travers de ses nombreuses campagnes publicitaires et son changement de nom, représente parfois à lui seul le concept de Métavers dans l’esprit du grand public.
Récemment la mission exploratoire sur le Métavers remise en juillet 2022 au Gouvernement précise que le Métavers (avec un M majuscule) renvoie à un concept très large utilisé pour décrire l’horizon des technologies immersives, tandis que les métavers (en minuscule) représentent les différents cas d’application. Pour la fluidité de la lecture, nous tenterons de nous tenir dans cette catégorisation.
“Un unique Metavers est impossible d’un point de vue technologique. À travers les usages, on peut distinguer des metavers”. Bernard Ourghanlian, Directeur Technique et Sécurité, Microsoft France
"Il faut partir des usages des différents mondes virtuels afin d'analyser le sens de ces innovations et la place qu'elles réservent à l'humain." Albane Liger-Belair Directrice Associée Innovation, KPMG France
KPMG Innovation Lab et la Human Technology Foundation ont souhaité inscrire leur réflexion sur le Métavers à partir de quelques exemples concrets qui existent déjà.
Ces nouveaux usages questionnent l'adéquation des règles en vigueur telles que le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA), qui soulignent déjà de nombreuses zones grises en matière de régulation des contenus.
Dès les premières utilisations, plusieurs scandales de haine en ligne, cyber harcèlement, “viols virtuels” etc. ont émergé. Les conséquences d’une action seront-elles différentes de celles dans la “vraie” vie ? Cela implique-t-il d’appréhender différemment la notion de responsabilité ?
Notons que l’ultra violence et les agressions physiques et verbales dans les univers immersifs sont souvent perçues comme bien “réelles” par les utilisateurs. Dans ce contexte, certaines plateformes telles que Meta ont développé la fonctionnalité “Personal Boundary”. Elle permet aux utilisateurs de ne pas être approché à moins d’un mètre. Certaines fonctionnalités permettent même de disparaître aux yeux des utilisateurs que l’on ne souhaite pas rencontrer.
La protection de l’utilisateur doit être un pré-requis et être intégrée dès la conception par les acteurs publics et les entreprises selon une approche “by design”. Cette gouvernance nécessite également un alignement entre les différents acteurs d’un point de vue technique, notamment pour veiller à l'interopérabilité des usages d’un métavers à un autre. Bien que certaines initiatives telles le Metaverse Standards Forum se soient déjà lancées, un grand nombre de défis restent à surmonter.
“ L’interopérabilité des métavers vise aussi le transfert de valeur (monétaire ou non) d’un objet d’un univers à un autre. “ Bernard Ourghanlian, Directeur Technique et Sécurité de Microsoft France
La compréhension des possibilités offertes par un Métavers est aujourd’hui circonscrite à une minorité de connaisseurs. Identifier les usages et le public cible est une question déterminante pour définir les règles adaptées.
La lourdeur et le prix des équipements nécessaires pour l’usage de Métavers ne sont pas les seuls obstacles à démocratisation. Une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) souligne qu’un phénomène semblable à celui du mal de mer, appelé cybercinétose, qui peut apparaître en moins de cinq minutes d’immersion touche 30 à 50% des utilisateurs.
Par ailleurs, une étude de la World Wide Web Foundation précise qu’un homme aurait 21% de chance supplémentaire d’être présent en ligne qu’une femme dans le monde. Ce chiffre monterait jusqu’à 52% dans les pays les moins développés, et cet écart continuerait de croître. Le risque pour que le Métavers reproduise les inégalités existantes est important.
De plus, l’accès à ces univers virtuels immersifs demandera un accès à une vitesse de connexion d’une qualité que peu d’endroits dans le monde pourront offrir. Fracture numérique, fracture de genre, ces discriminations propres au numérique pourraient prendre encore plus d’ampleur avec le Métavers.
“Éduquer les nouvelles générations à ces nouvelles technologies immersives, et leurs risques, est essentiel”. Morgan Bouchet - Directeur du programme XR et Métavers chez Orange
Au-delà de la dimension sociétale, la consommation d'énergie pour opérer les différents métavers en cours de croissance est une dimension essentielle pour en définir les usages.
“Une puissance de calcul multipliée par 1 000 par rapport à aujourd’hui”
Une mission conjointe confiée à l’ADEME et l’ARCEP pour mesurer l’impact environnemental du numérique en France démontre que la phase de fabrication des appareils est la principale source d’impact du numérique (78 % de l’empreinte carbone du numérique). Casque de réalité virtuelle, manettes, TV grands écrans haute définition, etc. : les équipements nécessaires à l'expérience d’immersion sont nombreux. Se pose également la question de l’obsolescence de ces équipements.
A l’inverse, plusieurs parties prenantes considèrent que la virtualisation du monde se substituerait à de nombreuses pratiques dans le monde réel permettant ainsi d’importantes réductions de notre empreinte écologique au quotidien.
“Le numérique doit être un allié de la transition écologique.” Eric Bothorel, député des Côtes-d’Armor
Après avoir précédemment identifié les nombreux défis à relever, KPMG Innovation Lab et la HTF veulent également offrir plusieurs recommandations pour que les opportunités susmentionnées touchent le plus grand nombre et que les risques demeurent maîtrisés.
Les clés pour un métavers au service de l’humain
A l’heure où les limites de notre monde physique ont été atteintes, les métavers ouvrent un champ des possibles avec de nouvelles explorations. Mais l’exploration de ces mondes se heurte à de nombreux défis.
Le questionnement sur les usages en amont de la production de ces nouvelles technologies est la clé d’une transformation numérique au service de l’humain. Le Métavers s’inscrit-il comme une réponse à des besoins déjà existants pour l'humain ou à la création de nouveaux besoins artificiels ?